La collaboration franco-saoudienne pour la solution à deux Etats

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Entretien de Son Exc. M. Patrick Maisonnave avec Asharq Al Awsat
29 septembre 2025

Reconnaissance de la Palestine et initiative franco-saoudienne

Q1. Pourquoi la France a-t-elle décidé de reconnaître officiellement l’État de Palestine maintenant ?

La France a pris la décision de reconnaître l’État de Palestine. Cette initiative historique, portée conjointement par le Président de la République et par Son Altesse Royale le Prince héritier Mohammed ben Salmane, pose un cadre politique et répond à une urgence absolue : deux années d’une guerre impitoyable à Gaza, ajoutées à l’horreur du 7 octobre, ont fait payer aux civils un tribut insoutenable démontrant avec force que la violence ne peut offrir d’autre horizon que l’impasse. La guerre ne garantit ni la libération des otages, ni la sécurité d’Israël, et elle détruit tout espoir de paix pour les Palestiniens comme pour la région.
À la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, le Président Emmanuel Macron l’a rappelé : « le temps est venu ». La reconnaissance de l’État de Palestine doit ouvrir un horizon politique crédible : celui de la création d’un État indépendant, viable et souverain, fondé sur les résolutions des Nations unies, vivant en paix aux côtés d’Israël et affranchi de l’emprise du Hamas.
En septembre 2025, cette orientation a trouvé un écho concret avec l’adoption d’une résolution historique de l’Assemblée générale, portée conjointement par la France et l’Arabie saoudite et soutenue par 142 pays, qui a tracé une voie vers la mise en œuvre de la solution des deux États conformément au droit international.
Notre voie est claire : celle de la paix. Car il n’y aura pas de paix durable sans justice, ni de stabilité régionale sans un espoir concret pour le peuple palestinien. C’est dans cet esprit que la France et l’Arabie saoudite œuvrent ensemble, convaincues que seul le dialogue peut construire un avenir plus juste.
Fidèle à son engagement historique et à la force de ses convictions, la France est restée mobilisée pour la paix et dans la reconnaissance des aspirations légitimes du peuple palestinien. De Charles de Gaulle à François Mitterrand, de Jacques Chirac à Emmanuel Macron, tous ses présidents ont défendu la solution à deux États comme la seule voie possible vers une paix juste et durable au Proche-Orient.

Q2. La France et l’Arabie saoudite ont œuvré conjointement pour faire de la conférence de New York un succès. Quelles seront les prochaines étapes ?

Depuis la visite d’État de décembre 2024, le Président de la République et le Prince héritier, Premier ministre, Mohammed ben Salmane portent ensemble ce projet, aujourd’hui légitimé par un mandat de l’Assemblée générale des Nations unies. Notre objectif commun est sans équivoque : sortir de la logique de confrontation pour bâtir une dynamique internationale en faveur de la création d’un État palestinien. Après avoir jeté les bases en juillet, la conférence du 22 septembre a consolidé cette démarche et donné à ce processus un élan politique décisif, soutenu par une majorité écrasante de l’AGNU.
Ce mouvement est désormais mondial. Aux côtés de la France, de nouveaux pays, du Royaume-Uni à l’Australie, du Canada à la Belgique, du Luxembourg au Portugal, ont rejoint la liste des États reconnaissant la Palestine, dans la continuité des choix de l’Espagne, de l’Irlande, de la Norvège et de la Slovénie en 2024. C’est une dynamique irréversible qui consacre une conviction : il n’y aura pas de paix sans justice, et pas de justice sans État palestinien.
L’urgence, aujourd’hui, est immédiate : un cessez-le-feu à Gaza pour mettre fin à l’hécatombe, sauver les otages et protéger les civils ; l’acheminement d’une aide humanitaire massive par tous les points d’accès ; la préparation d’une mission internationale de stabilisation pour le « jour d’après ». Mais surtout, il faut tracer une trajectoire politique claire, celle de deux États, car nous avons la certitude qu’il n’existe pas d’autre chemin vers la paix et la sécurité régionales que la création d’un État palestinien indépendant.

Q3. Maintenant que la France et 157 autres pays reconnaissent l’État de Palestine, quelles garanties pourront être apportées pour que cet État soit viable ?

Cette reconnaissance est l’aboutissement d’un processus fondé sur des engagements concrets de l’Autorité palestinienne. Dans une lettre adressée à Paris, Riyad et Washington, le président Mahmoud Abbas a condamné l’attaque du 7 octobre, accepté le principe du désarmement du Hamas et annoncé un calendrier de réformes profondes. Parmi celles-ci figurent l’abrogation de la loi sur les prisonniers, remplacée par un nouveau système de protection sociale, ainsi que l’organisation en 2026 d’élections présidentielle et législative, ouvertes aux seuls partis qui renoncent à la violence et reconnaissent Israël.
Soutenus par la Ligue arabe et l’Organisation de la coopération islamique (OCI), ces engagements confèrent à la reconnaissance de la Palestine une crédibilité politique inédite et s’inscrivent pleinement dans l’esprit de la résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies. Ils ouvrent la voie au « jour d’après » à Gaza, à condition de renforcer l’Autorité palestinienne et de lui donner les moyens financiers de sortir de l’impasse, notamment pour assurer le paiement des fonctionnaires et la continuité des services publics.
Mais l’urgence immédiate reste claire : parvenir à un cessez-le-feu à Gaza pour mettre fin à l’hécatombe, sauver les otages et protéger la population civile. C’est seulement à cette condition que pourra se dessiner une trajectoire politique vers la solution des deux États. Le Président de la République l’a rappelé sans ambiguïté : toute annexion de la Cisjordanie constitue une ligne rouge que la communauté internationale ne saurait accepter.

L’ambassadeur de France en Arabie saoudite déclare au journal « Al-Sharq Al-Awsat » : « La collaboration est à l’origine du succès de la conférence de New York ».

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